mercredi 8 août 2012

Note d’opinion : éthique et management

À propos de l’éthique et du management

Le 23 juin dernier, sous ma note du 20 juin consacrée à l’Héraclite de Marcel Conche, je répondais - de manière lapidaire, j’en conviens - à un commentaire de Laurent Ledoux. Celui-ci m’a gentiment fait savoir qu’il ne comprenait pas mon objection et a exprimé le souhait de prolonger la discussion.

De par sa généralité, cette discussion dépasse nos relations amicales. Aussi voudrais-je réitérer ici même les objections que je formule à l’égard de la démarche qui est la sienne au sein de l’association Philosophie et Management. Je suis bien conscient de mon audace, puisque je n’ai jamais participé à aucune des activités de cette association. Mes objections motivent cette abstention, laquelle explique peut-être leurs faiblesses.

En mai 2007, j’avais adressé à Laurent Ledoux des commentaires sur le résumé de l’exposé qu’il a présenté en septembre 2006 à Juan-les-Pins sous le titre Management responsable : questions éthiques. Ce résumé, daté de janvier 2007, figure sur une page de son site. Il est indispensable de le lire pour comprendre les commentaires que je me suis permis d’en faire.

Il m’a semblé que revenir à cet exposé et aux commentaires que j’en avais fait recadre bien le débat. Tout n’y est certes pas discuté, mais l’essentiel bien - je crois.

Voici donc ce que je disais du résumé de cet exposé.

1. À propos de l’introduction

Avant de préciser le sujet de l’exposé et d’en tracer très synthétiquement le plan, l’introduction énonce deux jeux de questions. Le premier a un caractère très général et porte sur des interrogations (sens, devoir, responsabilité, sociabilité) qui ressortissent du domaine de la philosophie (1). Le second n’a pas cette portée : il rassemble des questions à caractère scientifique ou technique (économie, travail, gouvernement) qui ignorent les énigmes philosophiques (2) ou postulent qu’elles sont résolues.

J’évoque d’emblée ce mélange des genres, parce qu’on va le retrouver tout au long de l’exposé et qu’il témoigne de ce que je considère personnellement comme un travers de la production intellectuelle contemporaine. La science et la technique ne peuvent réitérer sans cesse l’erreur cartésienne qui consiste à supposer que le savoir qu’elles accumulent rapproche de la vérité (3). Ce mécanisme, qui a longtemps sévi sous la forme du scientisme – cette illusion qui consiste à ériger la connaissance en réponse philosophique –, prend aujourd’hui un chemin inverse : on voit les sciences « molles » et les techniques de même nature se farder de considérations philosophiques destinées à leur conférer une aura d’universalité.

Cette façon de faire n’est pas tout à fait innocente, même si elle ne procède pas nécessairement d’une stratégie. Elle a pour effet de « naturaliser » les questions techniques auxquelles elle s’applique, comme si la légitimité de ces questions allait autant de soi que va de soi la pertinence des questions philosophiques auxquelles elles sont associées.

Si le sujet de l’exposé est bien la morale du gestionnaire en RH, deux voies – pas nécessairement contradictoires – s’offrent à l’investigation : la première serait de s’interroger, enquête à l’appui, sur ce que sont effectivement – aujourd’hui – les valeurs des gestionnaires, qu’est-ce que ceux-ci sont prêts à faire ou à ne pas faire, que font-ils et que ne font-ils pas, de quelle idéologie s’inspirent les décisions qu’ils prennent ; la deuxième serait de se demander quelle déontologie des gestionnaires serait opportune de telle sorte qu’elle soit obéie et performante par rapport à des finalités elles-mêmes prédéfinies. Ce qui est et ce qui doit être sont deux questions que l’on ne peut impunément confondre, sous peine d’être soi-même l’instrument involontaire d’on ne sait quelle logique.

L’exposé se propose de passer « en revue des concepts-clés d’un point de vue philosophique », d’examiner ensuite la façon confuse dont ceux-ci sont utilisés « dans le cadre de la gestion de l’entreprise » et enfin d’analyser quelques défis importants pour la GRH sur le plan éthique en vue d’« une gestion "responsable" du personnel » (4). Il s’agit donc bien d’une démarche ayant l’ambition de définir un projet de déontologie et non une réflexion sur les pratiques. Et cette démarche, nous le verrons, s’épargne de définir les finalités de la gestion, ou plus exactement postule que ces finalités se confondent avec les options philosophiques qui imprègnent la définition des concepts-clés passés en revue.

Je ne puis personnellement adhérer à semblable démarche. Je suis même enclin à penser que la philosophie et les sciences sociales, chacune de leur côté, doivent sans cesse lutter contre ce genre de confusion. Car la première est sans cesse menacée de prendre pour objet des questions que le monde social impose de juger profondes et philosophiques, tandis que les secondes se bercent trop aisément de l’illusion que ce qu’elles découvrent résout des questions à caractère philosophique. Il y a une chose qui devrait leur être commune, c’est la nécessité de se déprendre : se déprendre des impératifs clandestins de la société, de l’idéologie, de la mode ; se déprendre des autres et surtout de soi ; apprendre à penser autrement que nous y pousse le premier mouvement, celui qui traduit ce qui s’est logé en nous sans que nous en soyons conscients. La philosophie doit notamment se déprendre de ce que le monde social lui suggère ; les sciences sociales doivent notamment se déprendre des inclinations philosophiques qui influencent nos manières de voir et de juger.

Peut-on alors légitimement réfléchir aux bonnes pratiques (5), par exemple celles que devraient adopter les gestionnaires en RH ? Assurément. Mais le problème est alors de réfléchir aux questions que soulève le télescopage de la morale usuelle avec les impératifs de la gestion. Et dans ce cas, ce que j’appelle morale usuelle, ce sont ces exigences unanimement reconnues au sein du monde social (honnêteté, courage, droiture, franchise, etc.), qu’elles soient affirmées théologiquement (Thomas d’Aquin), fondées en utilité (Bentham), en raison (Kant) ou encore autrement. N’exagérons pas la profondeur de la question : le système économique rend rentable de spéculer sur le vice, mais il n’est pas interdit d’œuvrer à encourager la vertu. Comment faire ?

Cette question très pratique – mais non sans importance – ne réclame pas d’être subordonnée à la question philosophique du sens de la vie, ni même à la question générale de la responsabilité. Pour moi – mais je comprends parfaitement qu’on puisse être d’un autre avis –, elle procède de l’idée que nous avons tous collectivement intérêt à ce que chacun – et donc aussi les gestionnaires en RH – se comporte de manière conforme à la morale usuelle et, si nous souhaitons encourager ce type de comportement, nous devons réfléchir aux moyens dont nous disposons pour que chacun trouve intérêt à s’y plier. L’honnêteté ne se décrète pas et son affirmation est sans valeur probante ; l’honnêteté se pratique, continûment ou régulièrement, toujours, parfois, souvent, et ce qui détermine ces constances ou ces régularités est à rechercher du côté de ce qui y incite. C’est là une recherche très importante à bien des égards, même si elle n’est pas auréolée du prestige que confère l’interrogation philosophique. Mais c’est aussi une recherche qui peut déplaire, parce qu’elle entreprend de mettre au jour des influences non conscientes, ce qui donne à ceux qui sont concernés le sentiment qu’ils sont dépossédés d’eux-mêmes. C’est – a contrario – ce qui explique le succès d’une démarche qui prend appui sur les questions philosophiques les plus abyssales : elle ignore ce que l’on ne veut pas entendre et elle prête à chacun l’éminent honneur d’être concerné par des problèmes dont la hauteur rejoint les questionnements les plus vertigineux de l’homme.

Mes présents commentaires sur l’introduction laisse apparaître une divergence de vue entre Laurent Ledoux et moi au sujet de la morale. Contrairement à lui, je ne peux suivre Marcel Conche lorsque celui-ci établi une différence importante entre éthique et morale, confinant ainsi les acquis de la sociologie (cf. Max Weber notamment) de telle sorte que la morale transcendantale leur survive. Il m’a semblé important de préciser la chose d’entrée de jeu.

2. A propos de ce que Laurent Ledoux dit de la morale (concepts-clés)

a) La définition de la morale

Une société « se donne » des devoirs et « enjoint [à] ses membres de conformer leur conduite, "librement" et de façon "désintéressée", à certaines valeurs » (6).

La lecture de cette définition incite à se demander de quelle façon la société s’y prend pour ainsi se donner des devoirs et surtout pour enjoindre à ses membres de respecter certaines valeurs. Et on ne peut ici s’empêcher de penser à toutes ces œuvres morales, philosophiques et anthropologiques qui se sont attaquées à cette question extrêmement complexe. Ainsi, dans son Contrat social, Rousseau finit-il par se résoudre à suggérer l’instauration d’une « religion civile », seul garant possible selon lui d’une maîtrise de la morale collective.

On pourrait m’objecter que j’ai tort de prendre au pied de la lettre les expressions « se donne » et « enjoint », qui sont davantage des figures de style que le signe d’une hypostase de la société. Mais que viennent alors faire ces locutions adverbiales, « "librement" et de façon "désintéressée" », que les guillemets dont elles s’entourent ne sauvent pas du soupçon de naïveté ?

La diapositive qui accompagne la définition semble fournir une explication. Un signe d’inégalité entre « Droit » et « librement » suggère que la conformité à laquelle les membres de la société sont conviés est indépendante des règles de droit ou, en tout cas, ne s’y limite pas. Et un autre signe d’inégalité entre « Religion » et « de façon désintéressée » – plus énigmatique que le premier, assurément – laisse penser que l’intérêt religieux et la morale ne se confondent pas davantage.

Pourquoi toutes ces complications ? Pourquoi ne pas se rallier aux définitions communes de la morale, qui n’empêchent en rien de laisser ouverte la question de son caractère absolu ou relatif dans laquelle Laurent Ledoux souhaite ensuite nous entraîner. La morale, c’est « Tout ensemble de règles concernant les actions permises et défendues dans une société, qu'elles soient ou non confirmées par le droit », ou encore cet « Ensemble des normes ou règles de conduite admises dans un domaine d'activité particulier, dans un groupe social particulier à une époque donnée », ou encore cet « Ensemble des règles que chacun adopte dans sa conduite, d'après l'idée qu'il se fait de ses droits et de ses devoirs » ; telles sont les définitions suggérées par exemple par le « Trésor informatisé de la langue française » (7).

Ce qui me dérange dans la définition proposée par Laurent Ledoux, c’est qu’elle privilégie d’emblée l’idée que le contenu de la morale est accessible, susceptible de délibération et ouvert à l’accommodement. Elle renonce à présenter la morale comme un donné ; elle en fait le résultat d’un choix (8).

b) La morale universalisable

Toute morale « n’est pas également universalisable » (9). N’est-ce pas là le jugement que portent sur la pluralité des morales ceux dont la morale se vit comme supérieure à celle des autres ? En fait, toute morale a la même prétention à l’universalité, de la même manière que chaque société se vit comme la seule qui vaut, voire la seule qui est humaine. Pourquoi la morale des droits de l’homme serait-elle plus universalisable qu’une autre, fût-ce la morale nazie ? Les nazis doutaient-ils que leur morale fut fondée et que la supériorité ou l’infériorité de telle ou telle prétendue race ne fut pas réelle ?

Nous préférerions, Laurent Ledoux comme moi-même, que ce soit la morale des droits de l’homme qui s’universalise et nous sommes prêts, lui comme moi, à faire valoir de nombreux arguments en faveur de son triomphe. Cela signifie que nous estimons que, si une morale devait s’universaliser, il serait bon que ce soit celle-là (10). Mais cela ne signifie pas qu’elle soit plus universalisable qu’une autre. La domination d’une société sur d’autres (et donc de sa morale sur celle des autres) dépend de rapports de force, et uniquement de rapports de force.

L’idée qu’une morale serait davantage prédisposée que toute autre à l’universalité en vertu de ses qualités propres découle de la conviction qu’il existe des valeurs transcendantes, distinctes des valeurs triviales généralement quelconques, et justifiées par leur inspiration divine, leur cohérence logique ou leur utilité sociale absolue. Je ne partage pas du tout cette conviction. L’apport de Kant est certes intéressant (11), mais il procède d’une époque et d’un monde où les idées d’utilité et de rationalité se sont conjuguées pour définir l’exigence morale en terme de réciprocité. Il est non seulement sans effet sur ceux qui préfèrent l’inégalité à l’égalité (12), mais il présente en outre le danger de générer une nouvelle forme d’inégalité, très subtile mais non moins perverse : celle née de l’idée que certains peuples disposent d’une morale qualitativement supérieure.

Lorsque Laurent Ledoux écrit : « L’examen pourra révéler ici que toute morale n’est pas également universalisable : la morale humaniste des droits de l’homme, par exemple, est davantage universalisable qu’une morale collective ou tribale » (13), il dénonce la faible aptitude à la généralisation de la morale des groupes humains qui ne connaissaient pas l’Etat, sans prendre en compte leur particulière adéquation à une vie sociale essentiellement fondée sur la famille. D’un point de vue différent du nôtre, la morale universalisable pourrait apparaître comme celle dont la faculté d’être étendue à toutes les sociétés traduit en réalité son incapacité à être spécifiquement adaptée aux conditions particulières de la société dont elle émane.

Il est – je crois – assez illusoire d’imaginer que les morales se distinguent selon « à qui elles s’adressent » (14). L’homme n’est pas une abstraction. S’il convient de s’adresser à tous les hommes, ce ne peut être que dans le respect de leurs spécificités. Imposer par la force une organisation sociale démocratique a des peuples qui ne la souhaitent pas témoigne d’une attitude contradictoire, mais trahit surtout tout l’intérêt que certaines sociétés – la nôtre en particulier – peuvent trouver à adopter une morale dont l’assise rationnelle la prédestinerait à l’universalité. Quelle différence y a-t-il entre les chrétiens conquérant par l’épée les empires aztèque et inca au nom de la vérité divine, les Soviétiques imposant leur armée aux Afghans au nom de l’idéal d’égalité communiste et les Américains envahissant l’Irak en vue d’y faire régner la démocratie ?

La morale universalisable serait celle qui « énoncerait ce qui est fondamentalement dû à autrui : respecter sa vie, c’est-à-dire l’aider autant que possible "à vivre mieux ou à mieux vivre" » (15). Peut-on croire qu’il existe une seule morale au monde qui ne répondrait pas à ce critère ? Même la mise à mort et la torture auxquelles recourent de manière moralement justifiée telle ou telle société ne sont rien d’autre que les moyens permettant à l’ensemble des membres du corps social d’être respectés dans leur vie propre, de vivre mieux et de mieux vivre. Hypocrisie ! me répondra-t-on. En sommes-nous exempts, nous qui faisons si volontiers de la liberté l’arme de l’irrespect et de l’oppression.

Non seulement, le refus de la mort n’est pas universel, mais il représente même – si l’on y réfléchit bien – une absurdité (au point que, au sein de notre société, certains défenseurs des droits humains ont estimé juste de se battre pour le droit de mourir et d’aider à mourir).

Il y a une phrase que je trouve particulièrement inacceptable ; c’est celle-ci : « Les morales collectives modernes reconnaissent, en général, les droits de la personne, ce que ne faisaient guère les morales des temps barbares. » (16) Comment donc distingue-t-on les temps barbares ? Notre temps serait-il plus civilisé que bien des temps passés ? S’il faut juger les sociétés à leur manière de se gérer politiquement, il serait malaisé d’affirmer que les décisions politiques d’aujourd’hui sont meilleures que celles des temps passés. La philosophie égalitariste des droits de l’homme n’y a rien changé. On peut même dire, hélas, que le XXe siècle a montré que les sociétés techniquement les plus avancées étaient capables de prendre les décisions politiques les plus atroces. La philosophie personnaliste n’y a rien changé. La reconnaissance des droits de la personne est certainement à mettre en rapport avec une philosophie du sujet qui exalte l’individualisme, l’égoïsme et le narcissisme ; il serait hasardeux d’y voir le gage d’un respect mutuel plus grand.

Si j’ai des difficultés à accepter cette phrase, c’est parce qu’elle trahit de façon exemplaire un refus de se déprendre qui traverse tout l’exposé. Il est à mon sens regrettable que l’on puisse exalter la générosité et la solidarité sans être autrement attentif à cet ethnocentrisme insidieux qui nous pousse à voir la vertu dans tout ce qui nous est proche et le vice dans tout ce qui nous est quelque peu étranger.

Je ne puis davantage approuver ce que Laurent Ledoux dit de la religion lorsqu’il la distingue de la morale. On appelle généralement religion ce que fut pour nous le christianisme et, par extension, tout ce que nous croyons y correspondre dans d’autres sociétés, plus anciennes ou plus lointaines. Mais les croyances grecques antiques, par exemple, que nous appelons religion, représentent un phénomène social extrêmement différent du christianisme et partage avec lui bien peu de points communs. Au point qu’il n’est pas faux de penser que l’usage ainsi étendu du mot religion est plus trompeur qu’autre chose. Tout cela pour dire qu’il est assez hardi de prétendre que la religion, à l’inverse de la morale, ne serait pas désintéressée. Outre que – selon moi –, toute morale obéit à l’intérêt, je suis assez enclin à admettre que la religion, ou en tout cas certains de ses aspects – notamment ceux qui sont liés à la croyance –, sont relativement désintéressés.

Cela dit, je ne commenterai pas davantage ce que Laurent Ledoux dit du droit, de la politique et de l’amour dans leurs rapports avec la morale.

3. A propos de ce que Laurent Ledoux dit de l’éthique (concepts-clés)

Je serai bref sur la question de l’éthique, parce que je pense que – pour l’essentiel – je ne pourrais que répéter ici ce que j’ai déjà dit à propos de la morale.

La manière dont Laurent Ledoux distingue l’éthique de la morale coïncide avec l’usage que Marcel Conche fait de ces deux mots. Il s’agit somme toute de rejeter hors du champ de la morale les mœurs qui n’obéiraient pas suffisamment à celles des consignes vertueuses que l’on considère comme les plus hautes, donc les plus universalisables. Ainsi, la valeur que les gangsters accordent à l’omerta ne serait pas morale, mais simplement éthique (17). Pourtant, si l’on fait abstraction du contenu propre de la valeur et du contexte dans lequel elle s’inscrit et que l’on ne tient compte que de la force de la consigne et de la légitimité qu’on lui accorde, rien ne distingue la morale spécifique de la mafia de la morale de ceux qui la combattent. Mes préférences vont sans aucun doute vers la morale des honnêtes gens – ne serait-ce que parce que je crains la puissance de la mafia –, mais rien ne m’autorise à prétendre que leur morale est moins morale que la mienne. Car aucune morale, pas plus la mienne que la leur, n’a de fondement absolu.

Max Weber distingue quant à lui éthique de conviction et éthique de responsabilité (18). L’éthique de conviction ne se préoccupe que du principe moral présidant à l'action, sans se soucier des conséquences, tandis que pour l'éthique de responsabilité, seul compte le résultat. Voilà assurément une distinction très intéressante dès lors qu’il s’agit de s’intéresser aux rapports existant entre la morale et les décisions managériales ou politiques.

Parce qu’elle est quelque peu périphérique par rapport au sujet, je ne dirai rien de la distinction des quatre ordres. Il y aurait trop à en dire s’il fallait s’attacher à leurs définitions.

(1) Ce qu’est la philosophie prête bien évidemment à discussion. Pour faire bref, je me rallierai – au moins provisoirement – à l’opinion de Marcel Conche, selon qui la philosophie traite de la vérité.
(2) Sont sans rapport avec la vérité (celle du Tout) les questions qui sont construites sur des axiomes ou postulats, et moins encore celles qui n’ont d’autre fin que performative.
(3) Il convient de noter que Marcel Conche – référence principale de Laurent Ledoux – partage à l’égard de la technique la même méfiance que celle nourrie par Heidegger (cf. notamment « La question de la technique » in Martin Heidegger, Essais et conférences, Gallimard, Tel, 1958, pp. 9-48).
(4) Page 4.
(5) Cette réflexion doit se confronter aux questions brûlantes que posent le licenciement, le refus d’engager, le choix des rémunérations, etc., toutes questions qui placent le gestionnaire en RH entre les exigences de la morale et celles de la rentabilité de l’entreprise.
(6) Page 7.
(7) Cf. le site internet du TLFI.
(8) J’affirme bien sûr par là que le contenu de la morale n’est pas susceptible d’être choisi, au sens que la notion de libre-arbitre peut conférer au mot choisir. On peut évidemment réfléchir à ce contenu et en préférer certains aspects ou certaines pentes, mais cette réflexion même n’est pas sans cause : elle n’émerge pas de cet étrange lieu de la conscience qui serait étranger à toute détermination et auquel croient ceux qui prêtent au sujet des attributs divins.
(9) Page 8.
(10) Je laisse ici de côté la question importante de savoir s’il est opportun que l’humanité partage une seule et même morale. Outre que l’avènement d’une morale universelle est quelque chose de chimérique, ce pourrait être nuisible – qui sait – au genre humain tout entier.
(11) Cf. Les fondements de la métaphysique des mœurs.
(12) Est-on certain que, à tout coup, une société égalitaire (la nôtre ne l’est que très partiellement, c’est le moins qu’on puisse dire) rend sa population plus heureuse et plus prospère qu’une société inégalitaire ? Nous aimerions le croire. Pourtant, au sein même de notre propre société, la prospérité est volontiers associée à la libre concurrence, principe d’inégalité par excellence.
(13) Page 8.
(14) Page 9.
(15) Page 9.
(16) Page 9.
(17) Cf. page 15.
(18) Cf. Économie et société.

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